lundi 6 juillet 2015

Question de... « comment »

Aujourd'hui j'ai rencontré un jeune universitaire, au départ intéressé à mieux comprendre certaines différences qu'il a trouvées entre ce qu'il pensait... suite à son éducation religieuse et à ses études successives... et certains sujets que j'ai abordés dans ce journal.
Je vous résume ici, avec mes mots, une partie de notre dialogue... que j'ai commencé en lui disant :
« Vu que ma pensée spirituelle est tirée des enseignements originaux de Swami Roberto, qui sont le fruit de la Connaissance innée en Lui, il est évident que ma "lecture" des Écritures chrétiennes ne peut pas correspondre à celle que vous pouvez faire, à la lumière de vos approfondissements théologiques.
D'ailleurs,
Jésus Lui-même a dit au docteur de la loi qui Lui demandait ce qu'il devait faire pour hériter de la vie éternelle :
"Qu'est-il écrit dans la Loi ? Comment lis-tu ?"
(Luc 10,25-26) ».
Je lui ai ensuite montré que ce double interrogatif, loin d’être un simple renforcement de la répétition, exprime au contraire un « crescendo » significatif où la deuxième question met en évidence un problème qui implique tout croyant qui lit les Écritures : il faut voir non seulement « Qu'est-il écrit », c'est-à-dire « ce qu'il lit »... mais aussi « comment » il le lit...
Alors que j'étais en train de lui dire ces choses, à un certain moment il m'a interrompu :
« Eh bien, il est évident que c'est ainsi, mais... justement à propos du "comment"... j'aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez par rapport au passage de l' "aveugle-né" qui se trouve dans l'Évangile de Jean (Jean 9,1) ».
Je lui ai alors demandé : « Pourquoi justement ce passage-là? »...
« Parce que vous êtes une Église qui a un concept chrétien de réincarnation - m'a-t-il répondu - et ce verset est l'objet de débat parmi différents érudits qui s'occupent de ce sujet ».
Comme prémisse indispensable, je lui ai alors fait remarquer ce que j'avais déjà dit à la femme dont je vous ai parlé dans l'article « karmiquement »... c'est-à-dire le fait que quelques concepts cardinaux de la tradition chrétienne (par exemple le concept trinitaire de Dieu) ne sont pas exprimés clairement dans les Évangiles et donc, parallèlement, on peut dire la même chose aussi pour d'autres concepts théologiques, comme celui de la réincarnation, qui peuvent être développés du point de vue chrétien, même indépendamment des Écritures.
Ceci est en effet, pour Anima Universale, le cas du concept théologique de réincarnation qui, de plus, est aussi indépendant des doctrines réincarnationnistes déjà existantes, surtout en Orient mais également en Occident.
« Par exemple - lui ai-je précisé à un certain moment - nous excluons l'idée de réincarnation régressive, de l'homme à l'animal. Notre concept de Miséricorde divine prévoit aussi la purification post-mortem pour ceux qui en auraient éventuellement besoin... dans un sens proche du concept traditionnel chrétien de purgatoire que cependant nous concevons non pas au ciel mais dans une nouvelle naissance terrestre »...
Puis, je lui ai demandé :
« En revenant à Jean, quel est exactement, le point qui vous intéresse ? » 
Ouvrant l'Évangile qu'il avait avec lui, il a lu ces versets :
« Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui posèrent cette question : "Maître, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle ?" Jésus répondit : "Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché, mais c'est afin que les œuvres de Dieu soient révélées en lui". (Jean.9,1-3) »
Je lui ai d'abord demandé ce qu'il pensait de ces paroles de Jean, et il m'a répondu :

« Vu que Jésus ici ne "saisit pas la balle au bond" et ne fait aucune affirmation explicite en faveur de la réincarnation, il me semble raisonnable d'en rester à l’interprétation théologique chrétienne traditionnelle qui fait référence à la position de Rudolf Schnackenburg, selon lequel la doctrine de la réincarnation “n'a aucun soutien en Jean 9,2”. Je pense que de la réponse de Jésus on peut seulement extraire la précision que le mal n'est pas toujours la conséquence d'un péché personnel ou d'une faute collective : il est né aveugle “afin que les œuvres de Dieu soient révélées en lui” (Jean 9,3). Et vous, qu'en pensez-vous ? ».
J'ai alors commencé à lui dire que son évaluation ne tenait pas compte d'une partie essentielle du problème, c'est-à-dire de la question posée par les disciples. « Mon  “comment” part justement de là - lui ai-je dit - et le fait que les disciples considéraient comme plausible l'idée que l'aveugle-né pût avoir péché avant sa naissance est très importante, parce que cela signifie qu'ils admettaient l'existence prénatale de l’âme-esprit individuelle... ce qui est la condition préalable constitutive de la doctrine de la réincarnation. 
En commençant donc par l'examen du contenu de la question, qui a été posée non par des personnes quelconques, mais justement par ceux qui étaient les plus proches de Jésus et qui l'écoutaient prêcher quotidiennement... la réponse de Jésus prend une tout autre signification, "inversée" par rapport à la lecture chrétienne "anti-réincarnationniste": 
Si Jésus avait considéré comme blasphème l'idée d'une existence de l’âme-esprit de l'aveugle-né avant sa naissance, il n'aurait pu faire moins que de la démentir, en l'enlevant de la tête de ses disciples. Au contraire, Son silence à cet égard... laisse un espace significatif à ceux qui lisent dans ce verset Son approbation implicite à ce principe de préexistence de l’âme qui est le fondement de la réincarnation.

En définitive - ai-je ajouté ensuite - au delà du fait que mon concept chrétien de réincarnation tire son origine des enseignements de Swami et non des Écritures... en tout cas, selon ma vision du “comment”, le verset de Jean 9,2 est l'un des passages évangéliques auxquels la théologie chrétienne traditionnelle n'a pas encore rendu justice ».

Il a alors fait cette remarque : « Eh bien, ce que vous me dites, me fait venir en tête les mots du théologien von Balthasar, très considéré par le Pape Ratzinger, quand il a souligné que la réincarnation ne peut pas être réfutée, ni non plus démontrée, donc, uniquement sur la base de l'Écriture... parce que la Révélation ne vise pas à expliquer tous les mystères de Dieu et du monde, mais à conduire les êtres humains au salut ».

« En effet, justement, c'est ainsi... » lui ai-je dit à la fin, et le salut cordial qui a suivi m'a fait penser que, sur ce sujet, mon « comment » s'est sans doute rapproché du sien.



Étape suivante :  Attention à qui parle…      

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